La création à Aoste d’un « Collège d’Etudes fédéralistes » compte parmi les initiatives les plus marquantes que Corrado Gex réalisa à l’époque où il occupait les fonctions d’assesseur à l’Instruction publique. Créé lorsque l’Europe n’était encore qu’un projet généreux, cet institut accueillit pendant plusieurs années de nombreux étudiants du monde entier. On y étudiait et discutait, sous la direction de personnalités éminentes du calibre de Denis de Rougemont, les doctrines politiques qui auraient pu contribuer à créer une Union européenne respectueuse des autonomies locales et des minorités ethniques et linguistiques, selon le souhait des pionniers valdôtains du fédéralisme l’abbé Trèves, Emile Chanoux et le chanoine Bréan, entre autres. La construction européenne prit cependant d’autres chemins : les égoïsmes nationaux et les intérêts des lobbies économiques ont pris le dessus, si bien que l’Europe des peuples a dû céder le pas à l’Europe des affaires. Dans ce contexte, le fédéralisme tel que les cours du Collège le proposaient risquait de devenir une utopie anachronique : d’où une parenthèse, un arrêt des cours qui s’est prolongé pendant quelques années. Cependant, l’évolution, ou pour mieux dire, l’involution de l’Europe vers un modèle d’agrégation dominé par les Etats et par les banques, a repoussé de plus en plus loin les buts idéaux de l’unité européenne et a déçu les attentes de la population, qui démontre une désaffection progressive à l’égard des institutions communautaires. Le large taux d’abstention constaté lors de la récente élection du Parlement de Strasbourg est un signal éloquent à ce sujet. Le programme 2009 du Collège est centré sur les thèmes liés aux minorités linguistiques et au fédéralisme. Cette reprise des cours du Collège d’Aoste, que l’Assessorat a décidé de relancer grâce à la mise en place d’une nouvelle collaboration avec l’Université et le Canton suisse de Fribourg, ainsi qu’avec la Fondation Chanoux veut donc, d’une part, offrir une occasion de réflexion sur les mécanismes représentatifs et les normes financières qui devraient garantir le respect des droits des minorités et conférer une réelle autonomie aux collectivités locales et, d’autre part, raviver ces motivations profondes qui inspirèrent les promoteurs de l’unité européenne à l’issue de la seconde guerre mondiale.
Laurent VIérin
Assesseur à l’éducation et à la culture
de la Région Autonome Vallée d’Aoste